Startup : 3 conseils pour éviter les problèmes

Startup : 3 conseils pour éviter les problèmes

Cette semaine, j’ai rencontré plusieurs porteurs de projet de startup dans le cadre d’un bootcamp organisé par NFactory. J’aime beaucoup l’exercice parce que cela me permet :

  • de me sortir de mes préoccupations quotidiennes,
  • d’entendre et comprendre les motivations et les envies du moment,
  • et peut-être, d’être un peu utile à l’écosystème de startup local (viva Normandy French Tech)

J’ai fait des erreurs dans mes startups, je les ai comprises (avec un peu de temps). Si cela peut permettre d’aider d’autres à avancer… plus vite…

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Ces projets en étaient tout au début de l’aventure, certains avec des prototypes, aucun avec un MVP. Et l’objectif était pour eux d’affiner, peut être même plus de “raffiner” leur projet pendant 3 jours (moi, je n’étais là que 2 heures, le premier jour)

Juste au-dessus, j’ai parlé d’aventure, mais en fait, pour moi, créer une startup, c’est plutôt tout l’inverse de partir à l’aventure avec son sac à dos et faire un tour du monde. Pour moi, lancer sa startup, c’est faire un voyage, le plus organisé possible pour atteindre une destination. J’aime bien cette idée, et ça permet plein de métaphores…

Fixer le cap

Premier commandement du voyageur : savoir où il veut aller.

Bien définir la destination, ça peut paraitre évident, mais quand on est plusieurs associés, une synchronisation formelle est toujours utile, sur plusieurs sujets :

  • le produit, la source de revenus
  • le marché et la façon de l’atteindre,
  • l’objectif final.

Le cap produit

Là, où j’ai toujours eu des difficultés, c’est sur l’affinage du produit. Les startups américains ont une habitude : ne faire qu’une chose, mais extrêmement bien. Pour moi, il manque toujours quelque chose dans leur produit.

Par exemple, Shoppify (une solution e-commerce) était mon concurrent précédemment. Mais cette solution était particulièrement pauvre fonctionnellement (de mon avis). Mais il faut se concentrer sur la réalité des faits : aujourd’hui Shopify fait plus de $300 millions de chiffre d’affaires. Leur succès est sans contestation possible, la méthode ne doit pas être si mauvaise…

Depuis, j’ai compris, même si je dois lutter contre mes démons : faire moins de choses dans le produit, mais le faire excellemment bien. Et ça n’est pas toujours facile quand un prospect te dit : “il suffirait que vous fassiez ça en plus pour que j’achète”

Autre acquis de l’expérience : ne travaillez que sur un produit, un seul et unique produit. Ça peut paraitre simple, mais je vais vous donner l’exemple me concernant.

Au début de ma première startup, nous avions développé notre logiciel, mais les premiers clients avaient besoin d’être accompagnés, donc en même temps que le développement du logiciel, nous avons fait de la prestation d’accompagnement. Nous sommes d’accord, c’est totalement complémentaire, mais en fait, c’est un autre produit, c’est un autre métier.

Pour apporter ce coaching à nos clients, nous avons embauché du monde, et au bout d’un moment nous avons embauché une commerciale pour qu’ils aient tout le temps du boulot… et encore une ressource en plus. Au final, ça n’est plus une entreprise, mais deux.

Il y a un indicateur extrêmement simple pour arriver à détecter que l’on court deux lièvres à la fois : qu’est-ce que vous vendez ? Un abonnement et du service. C’est beaucoup trop, impossible à gérer, surtout au début. Mettez toutes vos idées dans le BP, mais choisissez uniquement la source de revenus qui correspond à votre service principal. Pour moi, ça aurait évidemment été l’abonnement.

Cap sur le marché

Le problème universellement partagé entre toutes les startups : le manque de moyens. C’est évidemment pour cela qu’il faut se concentrer sur un cap unique et ne pas diluer ses ressources. Quand on le dit, ça parait évident… mais dans le feu de l’action, c’est autre chose.

À qui vendre son produit : il est tellement extraordinaire que tout le monde le voudra évidemment. Mais il est très peu probable que les clients fassent déjà la queue devant votre porte pour vous le réclamer (si c’est le cas, je vous envie grandement !).

Ciblez un marché :

  • les particuliers ou les pros,
  • les hommes ou les femmes,
  • les jeunes ou les vieux…

J’en conviens, c’est un peu caricatural, mais vous ne pourrez pas vous lancer en même temps sur deux marchés même s’ils vous semblent proches. Mettez toutes vos extensions de marché dans votre BP (c’est toujours une question posée par les investisseurs qui ont peur que votre marché soit trop petit…), mais ciblez le marché qui est le plus grand et le plus facile à atteindre.

Justement, comment aller vous toucher votre marché ? En direct, via des distributeurs ? Ça n’est pas la même façon de vendre.

Lors de ma rencontre avec les startupers cette semaine, plusieurs voulaient lancer des marketplaces. Ça m’a un peu étonné… mais en fait, eux y voyaient un modèle simple. Personnellement, c’est un modèle que je fuis comme la peste ! Je ne leur ai pas dit pour ne pas trop les refroidir, mais je leur ai quand même fait comprendre pourquoi : une marketplace est un intermédiaire. Pour réussis, deux types de clients doivent être séduits : les clients finaux et les clients “vendeurs”. Ces deux cibles sont à prospecter, à décider, à animer… et sans une réussite totale sur les deux cibles, le résultat final sera mauvais, voire catastrophique.

L’international est une question primordiale. Personnellement, je pense qu’on aurait dû y aller dès le début. Ça ne nous aurait pas couté beaucoup plus cher, et ça nous aurait propulsés beaucoup plus loin. En fonction de la construction de votre business, la réponse peut être très différente. La bonne question à se poser est toujours sur la dilution de vos ressources.

L’objectif final

Encore un choix à faire : quelle est votre ambition ?

  • créer une entreprise rentable et vivre dessus jusqu’à votre retraite,
  • créer une startup qui sera rachetée par une plus grosse dans 3 ans,
  • créer une entreprise mondiale qui finira par entrer en bourse ?
  • etc.

Le choix de l’objectif définira les moyens et l’organisation que vous allez mettre en oeuvre. Une croissance forte nécessite probablement un financement important et donc un levé de fonds. A contrario, une entreprise qui souhaite une rentabilité, mais une taille modeste (c’est aussi une bonne idée, même si ce n’est pas vraiment une startup) se financera différemment, par du love money, de la dette…

Ne pas perdre le nord

Une fois le cap défini, il va falloir le tenir. Une bonne boussole devrait suffire. Malheureusement, le GPS pour startup n’existe pas…

Une boussole ! Indispensable outil du voyageur… Au fil de votre voyage, vous allez certainement dériver du chemin que vous aviez imaginé :

  • sans y faire vraiment attention, moins concentré votre activité quotidienne ne se focus pas sur la bonne route,
  • par erreur initiale, vous aviez imaginé une route, mais le chemin prévu est une impasse, il va falloir retrouver un autre chemin qui va mener au même objectif,
  • par opportunité, il arrive qu’on se détourne de son cap initial. Par exemple, un client vous propose une prestation excellemment bien rémunérée. Bien que vous soyez conscient que cela vous détourne de votre objectif, la rémunération apportée vous permettra de nettement réaccélérer sur votre objectif, tout de suite après.

Concrètement, cette boussole, c’est vos KPI, vos indicateurs de business.

Mon expérience sur le sujet est assez douloureuse : j’ai mis en place des KPI bien trop tard. Mes investisseurs m’ont fait mettre un tableau de bord, mais pas forcément suffisamment accompagné pour me faire gagner du temps. Mais avec le recul, c’est primordial, cela doit même faire partie intégrante de votre BP.

Tous les plans d’action doivent avoir leur KPI : test and learn, il n’existe aucune autre stratégie quand on n’a pas de GPS.

Les KPI standards

La littérature “startup” donne toutes les infos sur le sujet des indicateurs à suivre, j’ai aussi un article sur le sujet en préparation. Mais quelques-uns sont vraiment standards :

  • CAC (Customer Acquisition Cost) : combien vous coute un nouveau client.
  • LTV (Lifetime Value) : combien vous rapporte un client sur toute sa vie avec vous.
  • ARPU / ARPA (Average Revenue Per User / Par compte) : Chiffre d’affaires moyen par client.
  • Ratio LTV sur CAC : 1 euro investi en acquisition vous rapporte combien.
  • Les CHURN :
    • Customer CHURN : pourcentage de clients perdus par mois
    • Revenu CHURN : pourcentage de revenu perdu, prend en compte l’augmentation des abonnements. On peut donc avoir un Revenu CHURN négatif, c’est-à-dire que sans trouver de nouveau client, vous gagner quand même de plus en plus argent (un peu le saint Graal, sauf que certains y arrivent vraiment)
  • NPS (Net Promoter Score) : mesure de satisfaction continue des clients

Certains indicateurs peuvent être plus spécifiques à votre business ou votre façon de vendre :

  • MRR (Monthly Recuring Revenue) : montant total des abonnements mensuels (spécifique au business sur abonnement…)
  • Conversion rate : Le taux de conversion par exemple du nombre de visiteurs en nombre de commandes pour un site e-commerce, ou encore le taux de devis signés par rapport au nombre de devis envoyés quand on est en B2B.
  • DAU / MAU (Daily Active Users, Monthly Active Users) : nombre d’utilisateurs actifs par jour ou par mois.

Surtout, le plus important, c’est d’avoir des données historisées pour voir l’évolution. Et l’idéal est de pouvoir entrer dans le détail pour analyser par ligne de produits, par commercial, par pays, etc. et ainsi pouvoir prendre des décisions argumentées.

C’est en entrant dans le détail que nous avons fini par abandonner certains types d’abonnement, parce que le ratio LTV/CAC était beaucoup (beaucoup beaucoup) plus faible que celui des autres abonnements.

North Star Metric, votre indicateur “étoile polaire”

Le roi des indicateurs, celui que vous devez chercher à faire évoluer en permanence, votre objectif ultime : le KPI qui mesure la valeur reçue par votre client, c’est votre indicateur «étoile polaire». Cet indicateur est unique à chaque business, à vous de le trouver.

Il ne mesure en rien un aspect business du type chiffre d’affaires, ni une satisfaction client, mais une valeur REÇUE par le client, c’est une mesure du service rendu.

Il n’y a pas de secret : pour que votre service soit un succès, il doit être utile et utilisé par vos clients.

Quelques exemples de NSM :

  • Facebook mesure le ratio DAU/MAU : le pourcentage d’utilisateurs qui viennent chaque jour,
  • le North Star Metric d’AirBnb peut mesurer le nombre de nuits réservées,
  • celle d’Uber le nombre de trajets,
  • celle de Snapchat le nombre de messages,
  • celle de Meetic peut mesurer le nombre de contacts pris par mois entre deux membres de leur plateforme,
  • un jeu, le nombre d’heures jouées par utilisateur…

Pour le coup, je suis toujours parti sans… tout simplement parce qu’on ne me l’avait jamais expliqué. Et c’est mal, très mal. J’en ai souffert de nombreuses fois. Sans cet indicateur, la plupart des décisions ne peuvent pas être correctement motivées et le résultat de votre stratégie ne peut pas être mesuré.

Et au fait ? Pourquoi l’étoile Polaire ? Parce que c’est la seule qui ne bouge pas dans le ciel, c’est ce que l’on voit dans l’illustration de cet article !

Partir en équipe

Je me suis associé pour créer mes startups. Plutôt par opportunité que par choix réfléchi. Mais j’ai bien fait, même si je me suis posé plusieurs fois la question. Est-ce qu’une prochaine fois je me lancerai seul ? Probablement pas.

Pour autant, entre associés tout n’est pas toujours rose. J’en ai quand même tiré quelques enseignements.

Pour moi, le premier bénéfice immédiat, c’est la motivation. On a tous à un moment ou à un autre un “coup de mou”. Clairement, ça arrivera. Avec un associé, ce “coup de mou” sera moins grave pour la boite par ce qu’il prendra le relais, et il durera moins longtemps parce que vous ne voudrez pas lui faire subir ça longtemps.

S’associer, oui c’est bien, mais il y a quelques conditions quand même :

  • être complémentaire sur ses compétences, si possible, mais surtout sur votre façon de voir les choses, c’est ce qui apportera le plus de valeur,
  • ne fait jamais de compromis. Le compromis est un réel danger pour l’entreprise, et risque de vous faire dévier de vos objectifs et de diluer vos ressources. On dit pourtant qu’il vaut mieux une mauvaise décision plutôt que pas de décision… mais, mais je mets une exception à la règle : plutôt pas de décision qu’un compromis.

Si je reprends ma métaphore du voyage :

  • pas très grave s’il y a 2 capitaines dans le bateau, tant que l’un s’occupe des cartes et l’autre de l’équipage !
  • mais par contre, si l’un veut aller à destination en bateau et l’autre en avion, c’est une très mauvaise idée de mettre des ailes sur un bateau…

Quel que soit votre projet, n’oubliez pas que la téléportation n’existe pas non plus dans l’univers des startups : la réussite immédiate est un doux rêve. Derrière toutes les réussites, sans exception, il y a énormément de travail. Les “good buzz” qui propulsent une entreprise au firmament, ça n’existe juste pas. Comme disent les Américains :

There’s no Silver Bullet